Revue 101, octobre 2019. Interview par Jean-Philippe Julien.

ISARD DE L’ECHO DES MONTAINES Prop : D. CESPEDES & S. GUILLEMOT Cond : M S.
GUILLEMOT

1- Sébastien, tu viens de remporter pour la deuxième fois de suite notre Nationale d’élevage avec ISARD, un très beau setter qui est aussi un excellent chien de travail, CHIT, et que j’ai vu gagner avec CACIT en montagne à Val Bedretto en Suisse, en présence des meilleurs concurrents français, italiens et suisses. Il est bon, il est beau. Peux-tu nous parler de tes débuts dans la cynophilie, mais aussi dans l’élevage avec les brillants résultats de ce chien ?
Je me suis installé comme dresseur il y a maintenant 5 ans. Isard et ses frères et soeurs ont fait partie des premiers chiens que j’ai travaillés. Issus de l’élevage de David Cespedes, j’ai rapidement apprécié leur tempérament chasseur et leurs grandes mentalités, des qualités héritées de leur père Verdi du Bief Joli. A 2 ans et demi, 3 d’entre eux étaient déjà Trialers , à 5 ans ils étaient Champions sur Gibier Sauvage.
Mon activité principale est le dressage et la présentation en compétition. Je fais très peu d’élevage car je préfère les chiens quand ils sont en âge de travailler. J’admire les éleveurs car ils composent en permanence avec tellement d’incertitudes. Réfléchir ses accouplements, faire naître, élever, puis la confirmation, la radio de dysplasie et enfin espérer que le chien soit conforme aux attentes de sa carrière de chasseur et de compétiteur ; c’est un travail titanesque pour peu ou pas de résultats. Isard, c’est avant tout une histoire de copains. Son premier propriétaire, un peu dépassé par ce jeune chien a accepté que David le reprenne pour le mettre en compétition. Après sa première saison de bécasse, David m’a confié Isard pour qu’il reste en permanence avec moi. Isard étant assez exclusif, c était plus facile pour travailler, et pour ne rien te cacher ça a été une joie immense tant j’y suis attaché.
-2- Sébastien, que représente ISARD pour toi maintenant ?
Il est le point de départ, c’est un de mes compagnons de vie maintenant. Il est ce que je m’efforce de ne pas perdre dans les chiens que je sélectionne pour la compétition : une passion de la chasse débordante avec une grande mentalité comme son frère Itwo , sa soeur Isatis ou également Isatis du Bief Joli qui est CHGS aussi. C’est vrai pour la plupart des chiens que j’ai eu le plaisir de me voir confier.
C’est aussi un géniteur intéressant que j’ai utilisé plusieurs fois, avec des produits précoces et plutôt bien construits. Mais avant tout, il est pour moi un vecteur d’émotions, le voir appréhender la montagne avec cette énergie, cette détermination c’est toujours pour moi un moment très émotionnel.
Je garderai à vie en mémoire ce parcours de Championnat d’Europe à Val Bedretto, où il avalait les pentes, cherchait les derniers sapins sur les dernières arêtes ; toujours au contact sans que j’ai besoin d’intervenir. Lorsque je l’ai raccroché, les regards échangés avec Max Mestepes puis David son naisseur n’ont laissé aucun doute sur le fait que nous avions tous ressenti la même chose ; ce fut un moment hors du temps.
-3- Quels sont les critères que tu privilégies dans le choix de tes lices et de tes étalons ?
C’est assez compliqué pour moi de te répondre sur ce point vu le peu de portées que j’ai faites mais pour essayer de le faire, je te dirais que j’utilise la sélection des autres. J’ai utilisé exclusivement des géniteurs que j’ai vu sur le terrain. Ma priorité, c’est la chasse car je suis chasseur avant tout et même si je n’ai pas souvent le fusil, je veux voir des oiseaux.
A mes débuts, j’ai eu la chance de voir évoluer en montagne et à la bécasse : Urgo de Behigo, Cooper de la Joux de la Bécasse, Verdi du Bief Joli ; c’est donc vers ces lignées que je me suis orienté pour mes chiens.
J’ai utilisé Gadget du Gourg d’Enfer pour sa passion de la chasse et sa facilité à trouver les oiseaux.
De son côté David a choisi Henzo des Sagnes de Milles Sources et Iro des Pics Luchonnais et récemment Milton de la Joux de la Bécasse.
Tous sont des chiens classés au Printemps, le but étant d’améliorer les allures tout en privilégiant le côté chasseur.
Parallèlement je suis allé chercher des chiens issus de Nolo del Zagnis et de Harper de Behigo, afin de pouvoir les sortir en compétition et les utiliser sur mes lices actuelles et futures. Mozart du Clos des Frigoulas, l’un d’eux est déjà Trialer, Opium d’Isyup l’autre attaquera l’année prochaine, si tout va bien.
La qualité principale que je recherche c’est l’intelligence, il en découle une capacité d’apprentissage nécessaire pour appréhender le terrain et négocier le gibier. Elle sert également pour le dressage.
Pourvus d’une grande passion de la chasse et de la mentalité, mes chiens évoluent sur des territoires où la densité d’oiseaux est assez faible ; c’est donc une nécessité. Puis viennent la morphologie et le style pour finir ; ce sont des critères importants mais inutiles sans les premiers.
-4- Nous te voyons seulement dans les concours sur bécasses et gibiers de montagne. Pourquoi ne te voit-on pas dans les concours de printemps en quête de chasse, voire même en grande quête ?
Pour être très franc avec toi et au risque de faire bondir certains, le printemps n’est pas une discipline qui m’attire au niveau professionnel. Le perdreau ne fait pas partie de la culture cynégétique de ma région, comme il peut l’être dans le Nord avec les grises ou le
Sud avec les rouges.
Les biotopes que je pratique vont de la montagne aux prairies entrecoupées par des haies en passant par les bois ; mais je n’ai pas de grandes plaines comme tu peux avoir en Champagne, en Beauce ou en Picardie.
D’un point de vue familial, je pars l’été en Montagne et tout l’Automne je cours après les bécasses, donc de janvier à juillet je profite de ma famille. C’est pour moi essentiel. C’est aussi la période où je dresse les chiens pour la chasse. J’ai donc beaucoup de travail à ce moment là.
-5- Tu sais très bien que la plupart de nos setters qui gagnent à la bécasse, à la bécassine et en Montagne sont issus de lignées avec de nombreux champions de printemps en quête
de chasse et souvent en grande quête. Qu’en penses-tu ?

Je ne présente pas dans ces disciplines mais ca ne veut pas dire que je ne m’y intéresse pas et encore moins que je les dénigre. L’intérêt du printemps c’est justement les allures. C’est donc bien normal que des chiens issus de cette discipline produisent des chiens capables de s’illustrer ailleurs. Chaque discipline apporte des éléments dont on peut se servir pour la sélection. Pour ma part et ce n’est en aucun cas une vérité, je trouve que la quête de chasse révèle les allures et la puissance de nez, la grande quête rajoute à ça la mentalité, le Gibier Tiré est un gage de dressabilité, la bécasse le sens de la place et la faculté de trouver des oiseaux, et la montagne la même chose avec le mental en plus.
-6- Tu sais que j’attache beaucoup d’importance au fait qu’un setter de grand mérite puisse briller et gagner dans toutes les disciplines. C’est très difficile, mais très valorisant de briller partout. Qu’en penses-tu ?
C’est effectivement une preuve de grandes qualités quand un chien peut s’illustrer dans toutes les disciplines. Certaines sont néanmoins très spécifiques et c’est difficile de classer au plus haut en GQ et dans une autre discipline.
La conjoncture n’aidant pas aussi cette démarche, les saisons ont un coût certain pour les propriétaires comme pour les présentateurs ; la priorité ira forcement dans la discipline qu’affectionne le plus le propriétaire.
-7- Quelles sont maintenant les épreuves que tu souhaiterais gagner ? Rêves-tu de gagner un jour le mythique Trophée Saladini Pilastri ?
Pour ma part, je ne cours pas après les trophées, c’est la cerise sur le gâteau mais ça n’a jamais été un objectif pour moi. Je cherche à valider le plus possible de titres de Trialer et Champions GS pour les chiens qu’on me confie. J’ai eu le plaisir de voir Isatis du Bief Joli remporter la clochette de Bronze sous ma conduite ; ce trophée est venu couronner sa saison de Bécasse. Remporter un Trophée est toujours un immense plaisir, mais ça ne doit pas être une fin en soi. J’espère maintenant présenter les enfants des chiens que j’ai eu le plaisir de voir évoluer à mes côtés. Les fields doivent servir de « certification » des qualités de chiens qui y sont présentés. Avoir une continuité dans les générations futures est un objectif qui est suffisamment difficile à atteindre.
Pour le Saladini, j’y viendrais certainement à un moment ou à un autre, mais ça n’est pas d’actualité pour l’instant.
Je repars cette année avec de jeunes chiens. Lorsqu’ils seront à maturité, je me pencherai sur la possibilité d’aller un peu plus à l’international. Nos concours français ont un niveau relevé de par les oiseaux et les biotopes, mais pourquoi pas rajouter des épreuves en plus de la Suisse.
Merci à toi de nous avoir fait part de ta façon de voir les choses et de
tes conceptions sur l’élevage de tes setters anglais !
Jean-Philippe JULIEN

Elevage de la Combe de Borderant