Revue 106, avril 2022. Un article de Philippe Mimouni, vétérinaire au Centre de Reproduction des Carnivores du Sud Ouest ( CRECS).

Le but d’un éleveur est de produire de chiens Beaux (= dans le standard) Bons ( = doués des qualités de chasse et d’équilibre inhérentes à la race) et en bonne santé .

En matière de santé, la dysplasie est surement la maladie la plus dépistée chez le Setter Anglais et à juste titre : le nombre de chiens dysplasiques ayant sensiblement diminué depuis la mise en place d’un dépistage rigoureux 

Cependant plusieurs éclaircissements et doivent être apportées : notamment sur la notion dysplasique ou non dysplasique . Je vais surement en décevoir quelques uns, mais le fait d’avoir eu entre les mains quelques radios ne fait pas de vous un expert des lectures des radios : il faut en avoir vu plusieurs centaines pour comprendre les subtilités de l’interprétation du dépistage de la dysplasie coxo-fémorale et surtout connaître parfaitement les critères de lecture.

 Le but d’un lecteur officiel n’est pas (si certains le croient encore !) de pénaliser systématiquement les chiens mais d’avoir une lecture du stade le plus proche de la réalité.

Ainsi si une radio est parfois refusée pour malposition, c’est que l’on estime que cette radio pénalise probablement le chien. Nous allons essayer de vous donner quelques éléments importants sur la connaissance cette malformation héréditaire 

Qu’est ce que la dysplasie coxo-fémorale :  

La dysplasie coxo-fémorale (D.C.F), communément appelée dysplasie de la hanche, est un trouble du développement de la hanche qui va entraîner une instabilité de l’articulation.

La nature héréditaire de cette affection est prouvée mais le mode exact de la transmission génétique n’est pas encore connu (il fait intervenir plusieurs gènes).

Dans des lignées de chiens prédisposés à la dysplasie, certains facteurs peuvent augmenter la proportion et la gravité des chiens dysplasiques dans les portées. Ainsi, le facteur le plus souvent rapporté dans les grandes races est une alimentation inappropriée pendant la croissance du chiot (trop énergétique et entraînant un surpoids ou un excès de calcium). Chez le Setter anglais, ce problème est rarement mis en évidence par contre un excès d’exercice pendant la croissance sur un sujet prédisposé peut effectivement entraîner une telle conséquence. Le chiot de moins de 10/12 mois ne doit pas être entraîné comme un adulte.

La conséquence d’une DCF est le développement plus ou moins tardif d’une arthrose de la hanche qui pourra entraîner des boiteries plus ou moins importantes, des récupérations difficiles les lendemains de chasse et parfois une impotence sévère pouvant survenir très jeune et entraînant un handicap incompatible avec une vie sportive (même minime).

Ces dysplasies sévères existent chez le Setter anglais mais elles n’apparaissent pas ou peu dans nos statistiques car les radios de ces chiens n’arrivent jamais chez le Lecteur officiel.

Un point essentiel à connaître est l’absence fréquente de corrélation entre l’arthrose et la boiterie.

Ainsi un chien très atteint ne va pas forcément boiter : on ne peut pas dire en voyant un chien se déplacer qu’il n’est pas dysplasique  (contrairement à ce que l’on entend au bord des terrains «je l’ai vu courir, il ne doit pas être dysplasique celui là ! ») : la radiographie des hanches est nécessaire pour effectuer un dépistage correct.

A retenir : la dysplasie est une maladie héréditaire d’origine ligamentaire (laxité) et non osseuse : les lésions osseuses (arthrose) apparaissent avec le temps ou l’utilisation exagérée 

Méthode actuelle de dépistage de la Dysplasie :

Le dépistage de la dysplasie repose sur une radiographie du bassin à partir de 12 mois, en vue ventro-dorsale (illustration position radiographique). Les critères de lecture du cliché sont bien codifiés et obligent à une position bien spécifique du chien : membres postérieurs en hyper extension et rotation interne, afin d’avoir les fémurs parallèles et les rotules au zénith, bassin rigoureusement symétrique (apprécié par les trous obturés symétriques et l’égalité de largeur des ailes de l’ilium). Le refus d’une radio par le lecteur officiel est toujours motivé par le fait qu’une radio imparfaite peut pénaliser un chien (illustration bassin asymétrique). C’est toujours une responsabilité de redemander un nouveau cliché avec une nouvelle anesthésie mais c’est uniquement pour ne pas déclasser un chien qui ne le serait peut être pas avec un meilleur cliché (parfois cela confirme un premier cliché mais ainsi aucun doute ne subsiste)

La lecture consiste à apprécier la forme des têtes fémorales, la coaptation ou l’enserrement de cette même tête dans l’acétabulum (ou cavité de la hanche), la congruence (c’est à dire la correspondance entre les deux surfaces articulaires qui doit être parfaite), la présence d’arthrose et la laxité de l’articulation mesurée principalement par l’angle Norberg Olson.

Je pense qu’il faut définitivement détruire un mythe : la lecture d’une radio ne se limite pas à la mesure de cet angle !

Ligne de MORGAN = Lésion d’arthrose sur la ligne d’insertion de la capsule articulaire

Ce n’est qu’un des nombreux critères d’appréciation et au risque de bousculer les croyances, un chien avec des angles supérieurs à 105 mais avec des lésions d’arthrose sera classé directement en DYS C !  L’arthrose étant un signe majeur de dysplasie ….

En fonction du résultat de l’examen, chaque hanche est classée selon la classification FCI (Fédération canine internationale ) 

–  A : absence de dysplasie : bonne coaptation entre la tête du fémur et l’acétabulum ; angle de Norberg-Olsson au moins égal à 105° ;

             –  B : état sensiblement normal : correspondant à deux possibilités : soit une coaptation de bonne qualité avec un angle de Norberg-Olsson compris entre 100 et 105°, soit une coaptation imparfaite et un angle de Norberg-Olsson supérieur à 105° ; 

            –  C : dysplasie légère : coaptation imparfaite avec un angle de Norberg-Olsson compris entre 100 et 105°, présence éventuelle de légers signes d’arthrose sur l’acétabulum, le col ou la tête du fémur ;

–  D : dysplasie moyenne : mauvaise coaptation avec un angle de Norberg-Olsson compris entre 90 et 100°, modifications possibles du rebord acétabulaire crâniolatéral et/ou présence de signes d’arthrose ;

–  E : dysplasie sévère : subluxation ou luxation articulaire avec un angle de Norberg-Olsson inférieur à 90°, possibilité éventuelle de modifications arthrosiques majeures. 

La conformation des hanches d’un chiot à la naissance est saine qu’il soit dysplasique ou non mais va évoluer avec croissance : la dysplasie est une maladie héréditaire mais pas congénitale (elle n’est pas présente à la naissance)

La Dysplasie Coxofémorale (DCF) aboutit  à plus ou moins long terme , à la formation d’arthrose.

Le développement de la dysplasie diffère selon les individus car certains chiens sont capables de compenser cette laxité notamment lorsque la musculature des fessiers est bien développée. Cette particularité  des chiens « sportifs »impose une anesthésie avec un relâchement musculaire parfait pour éviter une erreur de dépistage et laisser reproduire des chiens atteints.

Seuls les stades C, D et E sont des stades de dysplasie avérée.

Le Stade B appelé sensiblement normal ne peut être considéré comme de la dysplasie mais comme un état proche de la normale.

La présence d’arthrose quel que soit l’angle de Norberg Olson est un signe de dysplasie et entraîne automatiquement au moins un stade C 

La dysplasie n’est pas une maladie osseuse contrairement à ce que la majorité des éleveurs pensent mais une maladie ligamentaire. Ainsi la laxité ligamentaire  (manque de tonicité du ligament qui tient fermement la tête du fémur va permettre les mouvements latéraux de la tête du fémur dans la cavité ou acetabulum et dans une moindre mesure de la capsule articulaire). Seuls les mouvements de rotation sont possibles lorsque la hanche n’est pas dysplasique. Ces mouvements anormaux entraînent  à la longue des lésions osseuses (arthrose).

Cette notion évolutive est essentielle à connaître  et explique le pourcentage élevé de faux négatifs surtout sur des chiens radiographiés très jeunes.

Le but du dépistage officiel de la dysplasie des hanches est de connaître du mieux possible l’état réel des hanches d’un sujet et non d’essayer en multipliant les clichés afin d’obtenir le meilleur résultat possible. Ceci nécessite un cliché d’une qualité technique parfaite sous peine de pénaliser un chien du fait d’un mauvais positionnement.

Le dépistage est cependant plus collectif qu’individuel et ceci est la grosse différence entre l’avis de l’orthopédiste et du zootechnicien. En effet, ce qui est le plus  intéressant est de connaître l’état d’une lignée. En collectant par exemple les résultats sur la descendance d’un même mâle ou d’un même femelle ou bien en collectant les résultats de toute une fratrie. On peut mettre ainsi en avant les lignées indemnes ou du moins les moins touchées.

Enfin, Il est très difficile de connaître correctement le pourcentage de chiens atteints : en effet les vétérinaires « radiologistes » donnent une première lecture officieuse qui permet au propriétaire de ne pas envoyer la radio à la lecture si le résultat est mauvais . 

Quel est l’intérêt d’une sélection réalisée sur le protocole actuel

Lorsque un chien est dysplasique (C, D ou E) le protocole est fiable et il n’existe pas de faux positifs (chien lu par erreur dysplasique) 

Par contre dans le cas d’un chien non Dysplasique (A ou B) , l’interprétation est plus subtile.

En effet un nombre non négligeable de chiens lu A ou B s’avère être des faux négatifs.

C’est à dire qu’ils sont considérés comme indemnes (c’est à dire « négatifs ») mais seraient en réalité porteurs des gènes délétères (on les appelle les «  faux négatifs »).

Ce pourcentage de faux négatifs est estimé à 25% dans beaucoup de races.

On peut englober dans ce pourcentage les chiens lus non dysplasiques car radiographiés très jeune (12 mois) et qui développent par la suite une dysplasie ( mise en évidence après 3 ans).

Les éléments essentiels à retenir 

Un chien DYS C, DYS D ou DYS E est dysplasique et c’est toujours héréditaire 

Si on veut progresser il ne faut pas faire reproduire les collatéraux d’un dysplasique même si celui qui reproduit est indemne.

Un chien DYS A ou DYS B à une forte probabilité de ne pas être dysplasique (plus de 90%). Le pourcentage de faux négatifs semble être légèrement plus élevé chez les DYS B que chez les DYS A mais ne justifie pas que les dys B soient séparés des Dys A.

Dans la mesure du possible faites vos radios à plus de deux ans : ce protocole n’est pas possible lorsque l’on veut mettre un chien à la compétition mais est largement conseillé pour des reproducteurs.

Le but n’est pas d’obtenir le meilleur stade pour son chien mais le stade réel !

Pensez à regarder les collatéraux les parents, cousins etc ….

Le dépistage efficace en élevage est un dépistage de lignée et non individuel  ainsi un chien Dys A issus de parents dysplasiques   ou ayant des collatéraux dysplasiques n’est pas un chien « indemne » sur le plan génétique.