Un article de Bruno Maury.

J’ai eu le plaisir, lors de la Finale des Novices, de juger des jeunes chiens, les deux jours, d’âge compris entre un et trois ans. Il s’agit bien sûr de sujets dont la croissance n’est souvent pas complètement achevée et dont la morphologie se modifiera en partie. Toutefois à deux ans, on a une idée très précise des quelques caractéristiques morphologiques qui conditionnent le galop d’un Setter Anglais.

La grande majorité des chiens que j’ai examinés ont montré des galops « enlevés », c’est-à-dire non près de terre avec un mouvement insuffisamment ample et manquant de souplesse.

Dans tous les cas, ces défauts de galop étaient liés à une morphologie défectueuse, qui, il me semble, nous ramène, à de rares exceptions près, au cheptel qui était le notre il y a plus de vingt ans. Sans doute avons-nous cessé de seriner des choses qui à force de répétition avaient fini par paraître évidentes : «  Recherchez le port de tête », « Attention à l’épaule », « Ne négligez pas l’arrière main » etc. ainsi que quelques autre injonctions qui émaillaient les revues des années 80 et 90.

Les temps ont changé et quelques éleveurs, de l’ouest au sud sont allés chercher avec des succès notables des géniteurs étrangers, en important, dans la majorité des cas des morphologies correctes ou en utilisant des champions aux morphologies bien dans le type. Il n’en reste pas moins que beaucoup de nos Setters Anglais ont une morphologie qui ne leur permet pas de galoper en style.

Le galop du Setter Anglais doit être : « Ample, aisé, élégant, rapide, ni nerveux et impétueux, mais fluide et souple, rasant et près de terre. »

Cette partie du standard de travail n’est pas une lubie de cynophiles idéalistes, c’est la signature même de la race.

Parmi ces caractéristiques, les ample, souple, rasant et près de terre relèvent directement de la morphologie, le reste du psychisme, qui joue un grand rôle dans le style d’un Setter Anglais, mais nous en reparlerons.

Ample.

L’ampleur du mouvement au galop est conditionnée par une morphologie correcte des antérieurs et des postérieurs.

L’antérieur est constitué par l’omoplate, l’humérus ou bras, l’ensemble radius-cubitus ou avant bras prolongé par le pied.

L’épaule est constituée de l’ensemble omoplate-humérus. C’est elle qui est l’élément caractéristique du Setter Anglais. L’omoplate doit être la plus longue, et la plus inclinée vers l’avant possible,( un angle de 45º sur l’horizontale est souhaitable), l’humérus, le plus long et le plus oblique vers l’arrière possible. L’angle de l’omoplate et de l’humérus (angle scapulo-huméral), se situe entre 110º et 95º, l’idéal étant le plus fermé possible à 95º.

L’omoplate longue et très inclinée vers l’avant permet à l’humérus, dans la phase d’extension, de se placer loin en avant et que le mouvement soit ample.

Souple :

La construction de l’épaule, avec un angle scapulo-huméral entre 95 et 110º, fonctionne comme un amortisseur qui dès que le pied touche le sol, se plie pour ne se tendre que dans la phase finale du groupé.

Près de terre :

La longueur de l’humérus et son obliquité associée à un avant bras (radius-cubitus) court donne le près de terre. Mécaniquement, le mouvement ne s’inscrit pas dans un cercle comme celui du Pointer, mais dans une ellipse, un ovale, qui ne voit jamais l’antérieur s’élever au dessus du plan médian du corps.

Ceci dit, observons les défauts principaux que nous rencontrons :

Manque d’ampleur :

Le galop est « piqué », c’est-à-dire que l’épaule est bloquée dans son mouvement vers l’avant. Souvent, c’est l’angle de l’omoplate qui est mis en cause bien que l’humérus soit bien angulé par rapport à l’horizontale. Dans le plus mauvais de cas, si ce défaut est associé à un train avant peu musclé et à un mauvais port de tête, le galop est « plongeant », le chien basculant à chaque foulée.

Loin de terre.

Humérus court et droit, radius long : toutes les caractéristiques morphologiques sont réunies pour que le galop ne soit pas rasant, c’est-à-dire que le corps du chien est haut par rapport au sol, en statique et bien sûr en mouvement. On dit que le chien « court de bout » ou « en pieds ».

Manque de souplesse.

Avec une mauvaise épaule, c’est-à-dire avec un angle scapulo-huméral trop ouvert ou un humérus court, la fonction amortisseur est moins présente et le mouvement est plus heurté, plus dur, moins souple et moins moelleux.

Mais un chien a 4 pattes, comme une voiture 4 roues, nous avons parlé de la traction, mais qu’en est-il de la propulsion ?

L’arrière main est composée de la croupe, la cuisse et la jambe qui correspondent anatomiquement aux os iliaques, au fémur et au tibia-péroné.

Chez le Setter Anglais, la croupe doit être large et très musclée et son inclinaison idéale de 10º sur l’horizontale. Une croupe « avalée », c’est-à-dire plus inclinée, en projetant l’acétabulum (la cavité dans laquelle s’insère la tête du fémur) vers l’avant doit donner un mouvement des postérieurs avec une poussée insuffisante. En réalité, ce défaut très fréquent est souvent compensé par une excellente angulation de la cuisse et une souplesse ligamentaire très typique du Setter Anglais. Mais une inclinaison proche de l’horizontale est toujours préférable.

Par contre, l’inclinaison du fémur, le plus long possible, (40º approximativement sur l’horizontale), donne un ensemble très angulé qui lors de la poussée, doit fournir une force horizontale qui propulse le chien en avant sans que la croupe ne s’élève. Dans le cas contraire, la poussée est verticale et la croupe bouge verticalement. On dit que le chien « bascule » ou qu’il « tape du cul ». Cela est toujours dû à une cuisse droite.

Mais le mouvement de l’avant et de l’arrière doit être harmonieux, les italiens disent « composto », bien composé, comme une grande musique !

Plus simplement, le galop doit donner une impression d’harmonie, d’équilibre entre la poussée du postérieur et la traction de l’antérieur. Il est à noter, qu’il est souhaitable que la poussée des postérieurs soit très puissante, dans la mesure où la morphologie de l’antérieur, prédispose plus à une réception en douceur de la poussée, qu’à une traction puissante, c’est-à-dire que l’épaule travaille plus en souplesse qu’en force. D’ailleurs, un galop où le chien tire, perd de son équilibre et est associé souvent à un mouvement de l’antérieur un peu loin du sol, on dit alors que le chien est un peu « debout devant ».

Nous avons parlé de traction, de propulsion, mais qu’en est-il du « châssis » ?

Le dos et le cou, de forte musculature, soutiennent toute ce système complexe de bielles qui assure la locomotion du Setter Anglais, cela doit donner, bien sûr, un dos horizontal et un port de tête dans la ligne du dos. Une bonne musculature du cou permet au chanfrein de se tendre, bien à l’horizontale.

Quand on observe les meilleurs chiens de Grande Quête et les meilleurs chiens de bécasse, on trouve sans difficulté un trait commun, c’est la musculature puissante que demandent deux disciplines très exigeantes. C’est, bien sûr avec la morphologie, cette musculature : poitrine bien ouverte, bras puissants, croupe forte et cuisse « jambonnée », qui vont permettre un galop puissant et rapide, la morphologie osseuse va le faire ample, souple et harmonieux.

Laverack vantait ce type de morphologie comme la plus apte à produire des chiens de grande résistance, capables de chasser tous les jours jusqu’au crépuscule, la grouse dans les moors écossais, c’est une évidence que l’on observe tant à la chasse qu’en concours : un chien bien construit et souple continue à avoir un galop harmonieux au bout de plusieurs heures de chasse ou après la traversée d’un gros labour kilométrique : les autres se désunissent complètement.

Outre le plaisir de jouir d’un chien qui galope bien – si on est amoureux de Setter Anglais – l’utilité d’une bonne morphologie est patente.

Bien sûr, cette morphologie doit être couplée à un psychisme qui soit celui d’un grand chasseur et là nous touchons la génétique avec toutes ses incertitudes et ses joies.

Cette morphologie, qui caractérise le type et permet au chien de bien galoper doit être recherchée par les amateurs, les naisseurs, les dresseurs et les juges. Il serait souhaitable que les comptes-rendus de chaque juge comportent une description du galop de chaque chien cité. Dire « excellent galop » n’est ni pédagogique ni juste et les défauts ne doivent pas être omis car c’est de l’avenir de la race qu’il s’agit. La transcription des commentaires des juges dans la revue, permet au lecteur de se faire une idée de la qualité de tel ou tel chien. Si par méconnaissance ou pusillanimité, le commentaire exprimé ne reflète pas la réalité, le jeu est complètement faussé, du choix de la saillie, à l’achat d’un chiot de la portée. Cette sélection, exigeante des meilleurs sujets se fait dans d’autres pays que la France sans crainte des réactions des propriétaires et dresseurs et pousse à la recherche de caractéristiques meilleures.

Et puis, il y a cette « mentalité setter » qui transforme à la chasse votre chien en chat, lui fait avoir ce comportement félin qui, parfois, fait galoper près de terre un chien mal construit et qui, manquant à un champion de beauté à la morphologie magnifique ne lui permet qu’un galop de char d’assaut. Mais dans tout les cas, un chien mal construit peut bien galoper, avec des défauts qui se compensent où un esprit setter hors du commun, mais pas longtemps.

C’est dans ces conditions que la chasse est le test ultime d’une bonne morphologie : un Setter Anglais qui, après quatre heures de chasse à la bécasse, dans des conditions difficiles reste souple, près de terre avec un dos horizontal, sans « piocher », sans basculer, avec un port de tête dans la ligne du dos doit être bien bâti. Il se fatigue moins, reste plus efficace et au-delà du plaisir esthétique sera plus satisfaisant. S’il a aussi, bien sûr une grande passion et un psychisme qui le fera ramper sous l’émanation vous serez le plus heureux des chasseurs. A la montagne, la morphologie « près de terre » est un avantage dans la mesure où le chien reste parfaitement parallèle au terrain avec un antérieur très souple pour absorber les irrégularités du terrain. Il faut ici apporter une précision : on entend souvent, «  à la montagne, il faut des chiens courts «  Il est sûr qu’un chien long à tendance à se désunir, mais un Setter Anglais n’est rectangulaire que grâce à ses angulations, en aucun cas ni son dos, ni à fortiori son rein ne doivent être longs. Tous les auteurs sont d’accord pour dire que la longueur mesurée de la pointe de l’épaule à la pointe de la hanche ne doit pas excéder de plus de 3cm la hauteur au garrot. Il semble que deux cm soient déjà significatifs. Cela ne fait pas du Setter Anglais un chien long. Sa morphologie le rend particulièrement apte à la chasse en montagne. Il suffit, d’ailleurs, de voir les résultats des concours de montagne dans les Alpes Suisses et Italiennes où les concours sont mixtes, pour s’en persuader.

Bien sûr le psychisme est l’autre face du style, aussi fondamental et transmissible que la morphologie mais si celle-ci tient de la rigueur mathématique, le psychisme du Setter Anglais tient de la beauté et de la poésie, les deux alliés créent le frisson et les larmes de bonheur, mais nous en reparlerons dans un prochain article.

A bientôt,

Bruno Maury.