Revue 94, fgévrier 2016. Un article de Bruno Maury.

Il y a quelques années, Bruno avait publié dans la revue, cet article qui à l’époque avait trouvé un écho dans des clubs du 7ème Groupe, mais sans aucun impact en terme de modifications des règlements. Nous avons pensé, après la baisse catastrophique des participations aux concours landais, que la voie qu’il dessinait était plus que jamais d’actualité. Faire vivre ces concours par une participation plus grande des chasseurs, peut-être en partenariat avec les fédérations, mais certainement avec un règlement plus adapté est un chemin possible quand tous les concours sur gibier naturel, avec tir au pistolet, affichent complet. Concours de proximité, de convivialité, en faisant vivre les régions et permettant aux chasseurs de la zone de prendre du plaisir avec leur chien. Si vous ne l’aviez pas lu ou oublié, bonne lecture. Tous les avis seront les bienvenus.

De nouveau, s’achève une saison de gibier-tiré. Les Setter Anglais s’y sont, comme depuis longtemps distingués avec des récompenses importantes ; pourtant la désaffection des concours qui ont fondu de moitié dans les dix dernières années doit attirer notre attention et nous faire réfléchir à l’avenir de cette discipline, peut-être dévoyée, mais injustement décriée.
En effet quels sont les avantages du gibier-tiré tel que nous le connaissons :
• Oiseaux toujours présents et bien • répartis quelque soient les conditions.
• Préservation de la faune sauvage en ne tirant que les oiseaux lâchés.
• Adaptation facile à un nombre élevé de concurrents.
• Possibilité d’organisations régionales sur des biotopes variés.
On peut aussi rajouter le côté festif de l’organisation qui donne vie à des communes rurales, cafés, épiceries et la participation des ACCA qui se voient attribuer une quantité importante d’oiseaux laissés sur le terrain : il se tue en effet entre 25 et 30% des oiseaux lâchés ; les autres font la joie des chasseurs locaux.
Pourtant, chaque année un peu plus, les chasseurs se détournent de ces concours pour saturer les concours de bécasse, pleins bien avant la clôture légale des inscriptions, faisant de ceux-ci la porte d’entrée de la cynophilie, l’interface entre le monde de la chasse et le monde du field.
Cet engouement pour les oiseaux naturels, bécasses, petit gibier de montagne et un peu moins bécassines, pose des problèmes d’accueil, en terrains et en oiseaux, alors que parallèlement, un certain nombre de participants ont une connaissance très relative de l’oiseau sur lequel se déroule le concours. Cette participation excessive pose d’importants problèmes aux organisateurs et laisse souvent dehors des chiens aguerris et bien créancés.
Or si le nombre de chasseurs de bécasses est important, est encore plus important le nombre de chasseurs de chasse banale où l’on rencontre peu ou prou des conditions assez semblable au gibier tiré, avec dans le meilleur des cas, des oiseaux lâchés avant l’ouverture.
Alors, pourquoi ces chasseurs ne viennent-ils plus en gibier tiré ?
Pour les concours de bécasse, la sagesse à l’envol peut s’apprendre à l’aide d’un petit gibier économique : pigeon, caille (si possible) ou à défaut, perdreau entravé et récupérable. La sagesse au feu d’un révolver, comme en printemps pose peu de problèmes à un amateur un peu patient.
Mettre sage à l’envol un chien qui voit démarrer, à grand bruit, un coq à quelques centimètres de son nez, est une autre paire de manches ; mais ce but atteint, il faut que le chien soit sage au coup de fusil et qu’il parte au rapport à l’ordre. Pour une synchronisation parfaite de l’exercice, ce sont des heures et des heures que l’on devra passer et des dizaines de faisans qu’il faudra tirer.
Tout chasseur sait que, pour le chien, l’envol, le coup de fusil et le rapport se font, à la chasse, dans une action continue, le chien se bloquant souvent spontanément dans son élan si l’oiseau est manqué. Mais pour le rapport d’un désailé, instant crucial tant il est à la fois rageant et éthiquement gênant de laisser un oiseau blessé sur le terrain, le départ rapide au rapport est un gage d’efficacité.
Cette contrainte inutile, qui n’a rien à voir avec la qualité du rapport, a, en outre, l’énorme défaut de contraindre, au-delà du raisonnable, des chiens qui resteront, à jamais marqués dans leur tête par cet empêchement sur le gibier. Cela peut expliquer, en partie, la difficulté à remonter les points et à couler que l’on rencontre de plus en plus dans les concours de printemps.
En effet, souvent, les meilleurs trialers de printemps font aussi la saison de gibier tiré dans le but de devenir Champion de Travail, le fameux quatre cases. Entendons-nous bien, ce quatre cases prouve qu’un chien de printemps est aussi un chien de chasse et cela, bien sûr, est très positif, certains dresseurs vous diront aussi que cela prouve qu’il peut accepter un dressage poussé : c’est aussi vrai. Mais un chien de Grande Quête qui attend sagement son conducteur à 400m a lui aussi reçu un dressage poussé, mais dans l’esprit d’une recherche constante du gibier avec comme fil conducteur de le « toucher » le moins possible sur les oiseaux.
Pourtant, des épreuves tirées, au plus près de la chasse, sur oiseaux lâchés, puisque tirer des oiseaux naturels est, aujourd’hui impossible (les premiers fields sur bécasses étaient tirés), avec un vrai coup de fusil, un vrai rapport, devraient attirer un grand nombre d’amateurs : la complexité de la préparation les en dissuade et ils préfèrent confier leur chien à un dresseur. C’est ainsi qu’en vingt ans, ces concours destinés aux chasseurs sont devenus presqu’exclusivement, surtout chez les britanniques, peuplés de professionnels.
On en arrive donc à ce paradoxe : les concours les plus proches de la chasse n’accueillent pas de chasseurs.
Ces concours qui devraient être la porte d’entrée de la sélection, la zone de contact entre le monde de la chasse et celui du field s’en sont complètement coupé.
Il n’en est pas de même partout : en Italie où les concours de « chasse pratique » sont tirés au revolver et commencent en été, la participation des amateurs est majoritaire. Il est vrai que deux pas à l’envol troublent moins les juges qu’une prise de point éloignée de celle que préconise le standard de travail.
Désaffection des amateurs, spécialisation « field » des chiens participants, avec les frais qu’entrainent une deuxième saison, crise économique aussi, ont fait baisser, en dix ans, la participation de moitié. Alors que faire ?
La première piste à exploiter est, il me semble de ne plus pénaliser le départ précipité au rapport et de permettre un mouvement au feu si l’oiseau est manqué, à la condition, bien sûr que le chien ne poursuive pas et qu’il puisse être bloqué à la voix. En bref, un travail que l’on peut faire avec un bon chien de chasse.
La seconde est une communication forte avec le monde de la chasse, Fédération des Chasseurs, ACCA
etc. pour que puissent être vus les meilleurs chiens de chasse de chaque région, renouant un peu avec l’origine des fields, faits au départ pour comparer les meilleurs chiens de chasse et non pour créer des chiens de compétition.
La troisième est au sein des Clubs, la promotion de ces épreuves comme épreuves de proximité, puisque le circuit couvre, à peu près, l’ensemble du territoire. Accueil des amateurs, discussions, repas pris en commun, en particulier le soir. Il y a vingt ans, beaucoup de participants dinaient à la salle des fêtes, souvent avec les juges de leur club, et les conversations animées duraient tard.
Aujourd’hui, les résultats sont boudés et une table est dressée, pour les juges, dans les salles désertées. Les temps ont changé, c’est vrai et la nostalgie ne change rien, mais les réflexions que nous menons afin de faire vivre notre club par des manifestations régionales doivent inclure ce qui existe déjà et les concours sur gibier tiré en font partie. Même en dehors des spéciales, en concours ouverts, les délégués, les juges du club, les membres du comité venus en voisins, doivent aider à la fréquentation de ces concours dont la compréhension est facile pour les chasseurs de la région, à la condition que les règles du concours ne s’éloignent pas trop de leur loisir de fin de semaine. Et pour notre Club, pourquoi ne pas utiliser l’infrastructure des spéciales pour organiser un field d’initiation ?
Des épreuves de ce type, en terrain ouvert, pourraient aussi être une piste pour organiser des épreuves sélectives au concours de printemps aux quelles nous réfléchissons depuis très longtemps.
Mais tout le travail que l’on peut faire pour explorer de nouvelles pistes passe par la même exigence : revenir à un règlement proche de la chasse, qui ne soit pas en contradiction avec le caractère profond de nos chiens britanniques sélectionnés depuis toujours pour trouver et arrêter les gibiers les plus divers, au besoin les rapporter et surtout les retrouver, sans se soumettre à un dressage, certes spectaculaire, mais sans aucun intérêt pour la race, incompris des utilisateurs, frustrant pour les amateurs et surtout néfaste aux qualités naturelles de nos chiens.
Même si les oiseaux lâchés posent des problèmes difficiles à résoudre pour les chiens, du fait même que ces épreuves ont un caractère artificiel, elles ne peuvent servir que comme aide à la sélection dont les épreuves de printemps doivent rester le fondement. Pour en conserver un caractère sélectif, on a durci le règlement pour en faire des épreuves de dressage, largement inadaptées aux races britanniques.
Il est tant d’en faire autre chose, sous peine d’assister, impuissants, à leur disparition progressive. Nous devons tous : organisateurs, juges, concurrents, dirigeants, réfléchir à un avenir de ces épreuves ; il en va non seulement de leur survie, mais aussi de la pérennité du lien qui doit unir le monde, souvent jugé comme lointain de la cynophilie, et celui des chasseurs utilisateurs de notre race.
Restituer à ces épreuves leur caractère initiateur d’entrée dans le monde de la compétition, dans des circonstances au plus près de la chasse réelle, en recherchant en priorité les qualités naturelles des chiens présentés peut à la fois aider à sauver ces épreuves, mais surtout à proposer aux chasseurs amateurs de notre race de mesurer, à armes égales, leur chien avec les meilleurs du moment, dans l’amitié, la convivialité et la sympathie que chacun attend de ces épreuves.

Bruno Maury