Revue 101, octobre 2019. Un article de Xavier Hanne.

il y a environ 27 000 ans, l’homme a domestiqué le chien.
Depuis, il n’a cessé de le sélectionner dans le but d’effectuer un travail précis, principalement de chasse et de garde sous toutes leurs formes. Le souci constant d’amélioration a eu pour conséquence l’évolution d’une morphologie, toujours plus adaptée au travail requis. En ce qui concerne nos chiens d’arrêt, la sélection fut plus récente. La spécificité des terroirs et des goûts, détermina en grande partie les races que nous connaissons aujourd’hui. Notre setter anglais fut créé au nord de l Angleterre, avec la grouse pour gibier principal, et des étendues à perte de vue comme terrain de jeux.
La première incidence, identique à toutes les races de chiens d’arrêt britanniques, liée à cette topographie, est d’avoir une quête ample et un galop à minima soutenu.
Il lui fallait effectuer ce travail de façon continue, dans un biotope difficile nécessitant une certaine puissance couplée d’une énergie suffisante. L’importance d’une poitrine développée prend ici tout son sens. On le sélectionna donc naturellement de taille moyenne, ni trop léger et surtout ni trop lourd. Par goût d’un certain esthétisme, on le souhaita félin, glissant sur l’immensité des moors. Il devait donc être pourvu d’angulations présentant un humerus long et oblique, de canons plutôt courts, ainsi que d’une cuisse longue, dessinée en S. Mais aussi d’un corps inscrit dans un rectangle, avec un
rein court (sans quoi la résistance à l’effort serait altérée). Voici donc l’énumération des critères morphologiques nécessaires à ce que notre chien d’arrêt chasse comme un setter anglais.
A cette morphologie si particulière, les éleveurs ont pris soin de fixer des critères psychiques aussi singuliers que cette prudente autorité, mais aussi cette puissance teintée d’une extrême douceur.
C’est donc bien cette harmonie antinomique qui définit notre setter anglais. On comprend donc parfaitement que la définition du standard esthétique est la conséquence d’une recherche morphologique la plus adaptée au travail demandé. Venons en maintenant aux faits : Comment expliquer que le standard FCI du setter anglais mentionne des tailles minimales de 65 cm pour
un mâle et de 61 cm pour une femelle ? La réponse semble assez simple : A cette époque, les expositions canines outre-Manche connaissent un grand succès. Laverack, brillait particulièrement lors de ces manifestations; ses « héritiers, Lewellin en tête, ne semblaient guère prêter attention à cette discipline. Elles furent négligées par les utilisateurs, leur préférant « l’activité chasse à celle de ring »…..et la nature a horreur du vide !!!!! L’exposition, c’est la recherche du spectaculaire, du show, avec une conséquence vérifiée pour la plupart des races d’utilités, à savoir une déviance vers le nanisme ou le gigantisme. En ce qui concerne notre setter anglais, c est bien du deuxième mal qu’il a été atteint. La conséquence est que cette orientation fut transcrite lors de la rédaction du standard.
Des chiens plus grands, avec d’interminables soies, masquant trop souvent un manque de poitrine et une épaule droite. Jamais Laverack, llewellin ou Humphrey n’auraient validé telle hérésie. J’en appelle à notre mémoire collective, avons-nous déjà rencontré un setter anglais champion de Field trial avec de telles mensurations ? La réponse est non, parce que ces mensurations ne lui permettraient pas d’effectuer le travail demandé. Alors y aurait-il deux types de setters, un bon et un beau? Ce qui sous-entendrait que le bon ne peut pas être beau. Faut-il accepter l’idée qu’il existe d’un coté une beauté fonctionnelle et de l’autre une beauté subjective ? Non, la beauté n’a de sens que si elle est utile !!!! Car c’est l’essence même de cette race que nous chérissons tous. Le standard morphologique doit être la transcription esthétique du standard de travail.
On comprend donc pourquoi, l’amateur d’exposition ou l’utilisateur qui n’a pas forcement recours à ces données peut être désorienté voir frustré. Cela se vérifie lors des Nationales d’élevage organisées par le club, où certains présentateurs de chiens de type expositionnel n’y trouvent pas leur compte, médusés par le résultat obtenu, alors qu’ils glanent des IB à longueur d’année, puisque les juges « all round » s’en réfèrent au standard FCI ou s’y rapprochant. Nos jolis chiens de travail se trouvent exclus des plus hautes récompenses, subissant le diktat de quelques passionnés de setter d’un autre type, brandissant le standard FCI comme les saintes écritures. Cette situation est à l’origine de nombreuses tensions. Je vous fais part ici des conclusions d’un colloque, lors duquel notre setter anglais fut prit en exemple. Le thème était axé sur la mise en
garde des dérives de l’hypertype.
« Parlons du Setter Anglais, une race considérée comme en danger dans son pays d’origine car le nombre de naissances y est insuffisant. C’est en France, la race phare du Groupe 7 des chiens d’arrêt avec plus de cinq mille naissances annuelles. le Club de race oeuvre pour qu’ils gardent leur aptitude à la chasse. Au Royaume-Uni, on a oublié cette utilisation pour les transformer en parfaits chiens d’exposition, avec des soies longues qui ne résisteraient pas aux taillis. Le respect de l’utilisation pour laquelle a été sélectionné une race est-il un moyen d’éviter la tendance à l’hypertype ? La FCI a-t-elle voulu éviter ces dérives quand elle a mentionné l’idée développée précédemment de « remplir sa fonction d’origine » Une prise de conscience est en train d’émerger.
Est-il logique que ce standard soit aujourd’hui dans les mains de quelques personnes non concernées par l’essence même de sa création, alors que transalpins et français avons amené le setter anglais comme race majeure dans notre paysage cynophile? Depuis sa création, le club du setter anglais animé par une volonté de développement a adopté une position plutôt consensuelle….
Cette dernière a été confortée lors de la révision du standard en 2000 où la taille minimum fut augmentée d’un centimètre pour l’attribution du CAC. Avec pour conséquence d’avoir d’un côté une désaffection ( lors des expositions organisées par le club ) des amateurs d’expositions, et de l’autre des passionnés de chiens de chasse et de sport qui se sentent encore moins concernés par l’exercice proposé. L’évolution du nombre de chiens inscrits à nos Nationales d’élevage en atteste. Un type de setter se développa donc tout naturellement, à savoir un setter anglais certes fuyant l’hyper type décrié, costaud, mais peu un lourd…et rarement capable de briller en Field trial ou/et de chasser comme un chien d’arrêt britannique. Lors des jugements, la première question à se poser est la suivante : Est il d’un type sportif ? Me donne-t il envie de chasser derrière lui ? Si la réponse est non, alors il ne pourra prétendre aux plus hautes récompenses.
Remontons un peu dans le temps, suite aux premières importations, le CSA rédigeait le premier standard. Pour se faire, les responsables de l’époques regardèrent ce qu’ils avaient sous les yeux …. Et la taille minimale pour un mâle fut établie à 52 cm !!!! Sans prôner une taille qui nuirait à l’expression même de la race, cela se comprend parfaitement. Pour m’être rendu, entraîné et chassé au berceau même de la race, on comprend aisément qu’un chien de 52cm au garrot pourra se mouvoir sans difficulté dans ce biotope si exigeant; un chien de 60 cm et plus … sûrement pas ou avec plus de difficultés.
Il ne s’agit sûrement pas ici de faire « la chasse aux sorcière », mais d’une explication bienveillante et pédagogique afin de tous nous retrouver derrière le même setter anglais. Quant à l’autre type de setter pourvu d’une certaine élégance, mais fruit d’une sélection basée sur une beauté conventionnelle, échappant à toute considération de travail, il lui faudra trouver une place claire sur l’échiquier cynophile. La communauté scientifique valide la notion de race pure à compter de la septième génération, nos deux type de setters, bien issus des mêmes ancêtres, sont-ils encore de la même race ? L’appartenance au neuvième groupe rassemblant les chiens d’agrément et compagnie ne leur semble t elle pas plus indiquée ? … puisqu’ils ont été sélectionnés pour cela. Il faudra veiller à ne pas tendre vers un setter « hybride », qui serait le fruit d’un compromis inutile : « ni vraiment bon, ni vraiment beau »
J’invite donc tous les possesseurs de setters anglais de chasse et de sport, à venir présenter avec fierté et régularité leurs sujets lors des expositions canines, et tout particulièrement celles organisées par le club.
J’invite les responsables et juges du club à assumer sans compromis la fonction originelle de notre setter, dont les jugements doivent être établis par la transcription morphologique du standard de travail.

Xavier HANNE